Notice
nécrologique provenant des archives lasalliennes, à Lyon
(document communiqué par l'association Reprebus)
Remerciements à Christian Dalbiès et Alain Reynes
MONTARRY Camille Frère Godefroy
Victorin
Né le 17 juillet 1886, à
Saint-Christophe (Tarn), diocèse d'Albi, de notre Communauté de la Sainte-Famille
à Béziers-Fonseranes, décédé le 22 novembre 1971, dans la 86e année
de son âge, la 70e de vie religieuse et la 58e de
profession perpétuelle [faite en 1914].
Voici un nom qui sonne la Croisade
[Godefroy de Bouillon], la βierté, la lutte et la victoire [Victorin] !
Dans le civil, ce confrère s'appelait
Camille Montarry. Né le 17 juillet 1886 dans le diocèse d'Albi, il fit à
Moulins cinq ans de Petit-Noviciat, de 1897 à 1902 ; puis le Noviciat et le
Scolasticat [maison d’études pour préparer son diplôme d’enseignant], toujours
rue de Paris, à Moulins.
Il débuta dans l'enseignement à Autun
et y resta deux ans, jusqu'en septembre 1906 [la maison
fut fermée par décret, suite à la loi
de 1904 qui supprimait en France l’enseignement congréganiste]. A cette date,
il partit pour l'Egypte, d'abord à la Communauté de Fagallah, au Caire. Il
enseignera ensuite à
Khoronfish [alors grand collège
secondaire au Caire] ; 1923 le retrouve en France, à Cahors où il
passe une année. Et voici son
curriculum vitae :
Héliopolis, 2 ans ; Khoronfish, encore
2 ans ; Minieh, Directeur pendant 3 ans, de 1928 à
1931 ; Sainte-Hélène du Caire, Directeur,
un an ; Mansourah, Inspecteur [chargé des études et de la vie scolaire], un an ; Jaffa [Israël],
Sous-Directeur, deux ans, Procureur, un an ; Jérusalem, 5 ans,
de 1936 à 1941 ; Tripoli, économe, 8
ans ; Baskinta, 2 ans ; Furn-el-Chebbak, caissier pendant
14 ans ; enfin, Tripoli où il est en
demi-repos, puis retour en France à Béziers-Fonseranes, en
octobre 1971.
L'on constate que ce vaillant confrère
exerça ses activités de 1906 à 1933 en Egypte, de 1933 à
1941 au district de Jérusalem et
ensuite pendant 30 ans au district d'Orient [au Liban]. Retraité à
Fonseranes, il y meurt deux mois après
son arrivée, le 22 novembre 1971.
Un confrère écrit : "J'ai vécu
près de deux ans en son agréable compagnie. Ce vénérable
vieillard était un bel exemple de
bonne humeur, de travail, de régularité et de piété." Tel autre
a admiré sa distinction et joui d'être
reçu avec le sourire ; tel autre encore signale sa grande
jovialité et sa simplicité
communicative. Bon vivant, il animait la conversation qu'il émaillait
de bons mots. Sa réplique était
facile, spirituelle et frappée au coin du bon sens, parfois pas-
sionnée mais toujours intéressante. On
ne s'ennuyait jamais à l'écouter, car on sentait un
homme ayant beaucoup lu, vécu et
retenu.
Très au courant des choses religieuses
et même politiques, expert en botanique, il se plaisait à
mettre les points sur les i, tout en
laissant à chacun sa façon de voir. Certes, sa bonne humeur
ne fut peut-être pas toujours
inaltérable, car il eut se livrer à un exercice d'ascèse pour arron-
dir les angles d'un caractère
autoritaire par nature. Ses faiblesses se révélaient surtout si on le
contrait trop vivement ou si des
retardataires impénitents le faisaient trop attendre pour s'ac-
quitter des frais de scolarité. Il se
croyait redevable, par conscience professionnelle, d'une
rigoureuse administration dans sa
trésorerie.
D'aucuns l'ont trouvé rigide, peu
disposé à composer au sujet de la régularité [la pratique de la vie
religieuse selon la Règle des Frères]
; mais n'était-il pas dans son droit, fidèle à la formation reçue,
aux traditions lasalliennes [ce terme
vient du nom du Fondateur des Frères, saint Jean-Baptiste de La Salle] des Communautés de sa jeunesse en Egypte
dont il aimait à évoquer les souvenirs ?
Il avait beaucoup de mal à comprendre
l'évolution actuelle et avait noté l'appréciation d'un écrivain
peu tendre pour les jeunes : "Ils
ont beaucoup d'idées, mais souvent superficielles !"
Vieillard, il fut fidèle aux vieilles
traditions, fidèle à son Orient qu'il avait si longtemps servi et
qu'il ne quitta qu'à regret. C'était
un homme tout d'une pièce, avec ce que cela comporte de
bien mais aussi de désavantageux.
Malgré l'âge et les douleurs, il conserva longtemps sa
vaillance. Très assidu à son bureau,
il tenait ses comptes minutieusement et se fiait beaucoup,
peut-être trop, à sa mémoire.
Ses confrères admiraient
particulièrement le travail qu'il s'imposait, au début des grandes
vacances, pour la préparation des lots
de fournitures classiques devant être remis à chaque
élève lors de la rentrée d'octobre.
Sans se faire aider, avec beaucoup de patience, il entassait
paquet sur paquet, jusqu'à concurrence
de 1.300 à 1.400 !
Après un travail si consciencieux, il
avait besoin d'un violon d'Ingres : c'était la lecture et les
fleurs ! Il lisait beaucoup et surtout
retenait de nombreux faits qu'il citait ensuite à propos à
ses confrères au réfectoire ou en
récréation. Il aimait la nature et les plantes ; il avait appris les
noms et les caractéristiques d'un
grand nombre de fleurs et faisait de fréquentes visites dans
le minuscule jardin de la Communauté
et les parterres qui lui étaient accessibles.
Frère Godefroy laisse le souvenir d'un
religieux exemplaire, tout entier donné à Dieu. Exigeant
pour les autres, il le fut pour
lui-même. Il se savait comptable des bienfaits que le Seigneur lui
avait prodigués tout au long de ses
années de vie religieuse. Aussi s'acquittait-il avec ponctua-
lité de ses devoirs religieux et des
exercices spirituels qu'il considérait comme un dû à un Dieu
si bon !
Les jours de confession, on le
trouvait à la chapelle à son poste de surveillant. Sa grande dévo-
tion au Saint-Sacrement et à
Notre-Dame lui faisait trouver le temps de faire encore des visites
et d'égrener son chapelet. Lorsqu'il
ne pouvait se livrer à la lecture, en raison de sa vue défi-
ciente, il assistait volontiers aux
messes des élèves et aux cérémonies organisées pour eux.
Les Frères sont unanimes à signaler sa
stricte observance, son attachement fidèle à l'exacti-
tude et à la ponctualité. Ce grand
souci se retrouvait dans d'autres domaines, aussi bien dans
la vie communautaire que dans son
emploi. Certains ont admiré sa douceur, sa charité dans
ses paroles ; c'était un grand
silencieux et la discrétion lui interdisait toute parole déplacée ou
médisante.
Longtemps il souffrit d'un genou et
les médecins perdirent leur latin à le soigner. En dépit de
cette infirmité qui l'obligeait à se
servir d'une canne, il gardait son activité et ne craignait pas
de gravir les escaliers pour une
raison de service. Avec courage, il accepta les souffrances de
ses dernières années ; il semblait ne
pas en avoir, malgré l'état douloureux de ses jambes. Si on
lui demandait des nouvelles de sa
santé, il répondait avec un sourire de résignation : "Sicut
erat !" [Comme il était ! dans le
Gloire au Père... comme il était au commencement, maintenant et toujours]
C'est avec regret que la Communauté de
Notre-Dame, à Furn-el-Chebbak, l'a vu s'en aller pour
prendre à Beit-Méry, puis à Tripoli un
repos bien mérité.
On remarquait qu'il avait peur de la
mort et des accidents possibles. Il fallait l'entendre lors de
quelque danger évité de justesse. Mais
tant de souffrances l'auront purifié ; avec le poète, il
devait soupirer : "Je vous bénis,
mon Dieu, qui donnez la souffrance / Comme un divin remède
à nos impuretés !"
Devenu impotent, c'est pour ne pas ê
tre à charge qu'il se décida enfin, le cœur bien gros, à par-
tir pour Fonseranes où il mourut deux
mois après son arrivée, le 22 novembre 1971, à l'âge de
85 ans passés.
Daigne le Seigneur se choisir dans le
vaste champ de l'apostolat des Frères, de nombreuses
vocations religieuses de la trempe du
Frère Godefroy !
Les restes de la « maison Montarry » à Saint-Christophe